Altérités, interculturalités et vulnérabilités

Responsables: Philippe Joron et Eric Gondard

 

Les rapports qu’entretiennent l’individu et les groupes sociaux avec les notions de différence et d’identité (John Locke) constituent une problématique majeure dans son exploration du lien social. Cet objet est traditionnellement partagé par les sciences humaines et sociales, selon des angles d’approche disciplinaires complémentaires dans leur diversité de production. En tant que champ heuristique appliqué à ces relations d’étrangeté (Georg Simmel) qui nourrissent le lien social par médiation (relatives à soi, à l’autre, aux objets, au milieu naturel, social et technologique), l’altérologie permet de donner un sens à l’ensemble de ces approches, qu’elles soient philosophiques, psychologiques, anthropologiques, sociologiques et historiques, ou encore artistiques et littéraires.

La mêmeté et le tout autre (Jean Baudrillard) intrinsèquement liés dans la découverte des altérités, investissent les notions d’interculturalité, de violence et de vulnérabilité, elles-mêmes sujettes à de larges interprétations disciplinaires. Les questions relatives à la dépendance et à la prise de substances modificatrices de conscience, au risque et aux pratiques à risque, aux genres et aux identifications culturelles, à la marginalité, à la précarité, à la violence et à leur prise en charge par les institutions et pouvoirs publics, forment autant de champs d’application pour la recherche. Entres autres lignes d’intérêt corollaires, l’axe se propose d’explorer notamment les domaines relatifs aux phénomènes marginaux, subalternes, extrêmes, déviants, interculturels, contreculturels, subculturels au cœur des questions d’identité, de culturalité et de vulnérabilité.

Dans son acception sanitaire, la vulnérabilité des individus est à la jonction de déterminants biologiques, environnementaux et sociaux. La santé est donc le résultat de relations réciproques entre le milieu, la société et les hommes. Plus particulièrement, les vulnérabilités sont à comprendre comme relevant de trois dimensions intrinsèquement liées : une dimension anthropologique (Axelle Brodiez-Dolino), une dimension sociale (Robert Castel) et une dimension biologique. Par ailleurs, il devient toujours plus important de considérer la surdétermination des représentations sociales de la santé sur le mal-être des individus. L’axe se donnera pour finalité l’étude des états sanitaires et sociaux, de leurs représentations tant d’un point de vue des institutions de prise en charge sanitaires et sociales que des usagers eux-mêmes. À la suite de différentes enquêtes portées par des chercheurs du laboratoire (personnes en situation de handicap, usagers de substances psychoactives, Roms en situation de précarité, développement des bidonvilles et travail informel…) à un niveau local, une attention particulière sera portée sur les publics les plus vulnérables.

La perte des repères familiers qui donne sens à la vie quotidienne jusqu’aux traumas socio-psychologiques qui se manifestent par une incapacité à agir et à définir sa propre historicité (ou ligne biographique au sens d’Albert Ogien) et, ainsi, déclenche des expressions rituelles ou des performances théâtralisées (au sens de Judith Butler), il apparaît nécessaire de questionner les manières de pallier ces états de vulnérabilités tout en dépassant les conceptions communes de cette notion. Au-delà des acceptations communes sur la déviance et les pathologies, les notions de présence, de “résonnance” (Hartmunt Rosa) et de “crise de la présence” (Ernesto De Martino) ouvrent le champ des connaissances aux modalités d’expérience de l’altérologie.

Outre le fait que l’axe s’inscrit parfaitement dans les parcours de licence (notamment l’accueil des SSS) et master (recherche et professionnel), il permettra de poursuivre des séminaires internationaux déjà mis en place au sein du LERSEM-IRSA depuis 2006 dans le cadre d’accords de coopération interuniversitaire et l’élaboration de nouveaux événements scientifiques résolument interdisciplinaires, en favorisant des regards croisés de recherche sur des thématiques communes. Au sein de cet axe de recherche le laboratoire continuera d’encadrer un séminaire annuel portant sur la prise en charge des publics vulnérables et sur la place du travail social, sanitaire et médico-social dans notre contemporanéité : « Pensées socio-logiques et praxis sanitaires et sociales ». Ce séminaire, en place depuis 2017, est ouvert à différentes institutions de formation en travail social de la Région Occitanie, lesquelles souhaitent proposer une réflexion de haut niveau à leur public (Initiatives Montpellier, IFME de Nîmes, ETES de Marvejols). Enfin, dans l’objectif stratégique du laboratoire d’adosser à ses thématiques de recherche une volonté d’expertise sociale, cette ligne de prospection permet de répondre à des appels d’offres d’expertises sanitaires et sociales, dans un souci de collaboration avec les collectivités locales et territoriales.

Les perspectives de recherches interdisciplinaires développées dans cet axe sont nombreuses et permettront d’ouvrir l’unité à d’autres chercheurs issus de diverses disciplines. Les notions d’égalité sociale, de cohésion sociale, d’identités et d’identifications culturelles, d’hégémonie et de subalternités, d’insécurité, de discrimination, de migration, d’interculturalité ou de vulnérabilité sanitaire doivent être comprises et appréhendées au prisme de deux variables cruciales : la mondialisation et ses effets mais aussi la numérisation du monde et l’interconnexion des individus.

 

Mots-clés : Altérités, Interculturalités, Risques, Violences, Genres, Précarité, Insécurité, Disqualification, Addictions, Vulnérabilités sanitaires et sociales

Dernière mise à jour : 16/02/2024